L’important n’est pas là où c’est fait, mais comment on a pensé le faire
Fait avec la tête
“Fait avec la tête”, avec de l’esprit. Fabriqué dans notre petite cervelle de constructeur indépendant et fier de l’être, voilà notre slogan. On y pensait depuis un petit moment à force de voir nos concurrents s’évertuer avec plus ou moins d’opportunisme, à revendiquer un « made in quelque part » la plupart du temps, improvisé. La tendance est lourde. De légitime à ses débuts, elle devient pesante. Très pesante.
Comme la plupart d’entre vous, nous assistons depuis pas mal de temps à la mise en avant par les marques des différents secteurs de la consommation, d’arguments sur leurs origines. Cela a commencé de façon vraisemblablement assez justifiée dans l’alimentaire. Et le filon de la traçabilité vertueuse fini aujourd’hui par toucher le secteur du vélo. « Dis moi où tu fabriques je te dirai ce que tu vaux. » Nous pensions en avoir fini avec ce sentiment de supériorité qui a si souvent caractérisé l’Occident. Apparemment non. A force de dénigrer les productions asiatiques ou délocalisées au café du commerce, les réflexions fusent sans retenue et à tous propos sur le « made in chinois » pas toujours très valorisantes. C’est un euphémisme ! Petit à petit se met en place l’idée manichéenne qu’il y a le bon et le mauvais dans l’univers industriel. Le bon étant bien sur le « made in chez moi » que revendiquent aujourd’hui beaucoup de fabricants italiens, américains ou européens. Quand aux français, ils se partagent entre ceux qui ont toujours été français et le sont restés même dans l’adversité, sans doute parce que leur process ne s’exportent pas, et d’autres qui singent aujourd’hui une identité bleu blanc rouge avec beaucoup d’à propos.
Chez Girs comme pour quelques fabricants, l’option qui consiste à faire fabriquer nos produits en Asie, n’a jamais été dissimulée. Giant et d’autres ont toujours été très clairs là dessus. Nous aussi. Notre développement et sa communication vont aller dans ce sens parce que Girs est une marque jeune, et ouverte. Nous sommes nés, mon frère et moi avec la génération de la mobilité et des brassages : Langues, voyages, amitiés multiculturelles, mobilité tous azimuts et réseaux sociaux ont été nos vecteurs d’éducation. Autour d’une famille et de valeurs qui nous servent de repères et auxquelles nous sommes attachés plus que tout. Notre cerveau collectif vient de là. Une communauté qui est –elle- toujours géographiquement très proche. C’est tout le paradoxe génétique de la marque Girs : On pense local et on agit global.
Le nationalisme ce n’est pas vraiment notre truc. Alors aujourd’hui, nous observons tout ça avec une furieuse envie de dire tout haut que chez nous, ça ne marche pas comme ça. Nos racines, notre base affective et notre bureau d’études sont là, dans le Vexin. C’est là que nous sommes le mieux pour « penser » à nos vélos. Pour essayer de faire autrement de ce que tout le monde fait. Nous éloigner des autoroutes de la pensée unique et du marketing sans âme qui abusent les pratiquants. Par exemple, comment croire qu’il faille opposer les cyclistes qui recherchent du confort à ceux qui veulent rouler vite. On va où, avec ça ? Proposer aux cyclistes d’acheter 2 vélos. Le premier quand ils ont du jus et le deuxième lorsqu’ils n’en ont plus ? Pas de problème, la récente augmentation du pouvoir d’achat nous donne tous envie d’y croire… en même temps qu’à la Fée Clochette et au moteur à eau…
De la même manière quand « les gros » du marché arrivent aujourd’hui en nous proposant des vélos pour chaques tailles de pneus. On rigole! Parce que le RNR, avec le même empattement, on peut monter jusqu’au 50 sur un même châssis… Nos vélos, on les pense à la maison. Avec notre expérience, notre envie d’en découdre et nos athlètes partenaires. Et parfois, on a raison avant les autres. Après, le bras armé industriel pour fabriquer nos cadres, on va le chercher là où on peut trouver la meilleure réponse à notre cahier des charges et surtout qu’il soit accessible au public le plus large. Aujourd’hui c’est l’Asie. Là bas, comme souvent ailleurs, tu en as pour ton argent à condition que tu saches à qui t’adresser. Ce qui n’est pas toujours évident. En tout cas ça ne l’a pas toujours été pour nous. Si demain, il y a un tissu industriel qui renaît ….. en Grèce ou en Corse et nous en donne encore plus pour notre argent. On ira. Comme nous avons été à une époque en Italie et même …en France ! Ce n’est pas le problème.
L’important n’est pas là où c’est fait, mais comment on a pensé le faire. C’est ce que dit notre message cette année et c’est notre philosophie. A l’origine des choses, nous préférerons toujours l’originalité des produits et des idées. Et s’il faut aller au bout du monde pour produire nos vélos à des couts raisonnables et pouvoir à la fois gagner de l’argent pour nous et proposer notre marque au plus grand nombre, ça fera déjà 2 bonnes raisons de le faire. Comme en milieu naturel, il n’y pas d’équilibre éternel en économie. Parfois, c’est dur et c’est vrai que faire fabriquer nos vélos dans une usine à côté de chez nous, on en a rêvé. Mais aujourd’hui ce modèle là ne fonctionne plus. Alors de là, à faire le constat méprisant que tout ce qui traverse la planète est mauvais pour mettre en phase une offre et une demande, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Même si aujourd’hui, le politiquement correct est la dessus dans la sémantique marketing.
Faisons nos métiers avec du cœur et gardons-nous de jeter l’opprobre sans discernement sur les marchandises fabriquées à l’autre bout du monde. Parce que nous aussi, nous sommes « l’autre bout du monde » d’un « autre bout du monde » et si tous les « autres bouts du monde » n’ont pas chacun la considération nécessaire les uns envers les autres, le monde lui va vite s’arrêter de tourner en trouvant une nouvelle application – économique cette fois – de la sempiternelle « haine de l’autre ».C’est par l’esprit que l’Homme se distingue de l’animal. Alors servons-nous en et ensuite, que le plus grand nombre puisse en profiter.
